Mercredi, avec Ourse Malléchée, on a bouclé la revue et on l’a envoyée à l’imprimeur !
Aujourd’hui, je vous propose une rétrospective du travail qui s’est étalé sur 4 mois.
0. Commencer
D’abord, mi-juillet, les Ourses m’ont fait une demande assez claire : pour le deuxième numéro de leur revue, elles souhaitaient travailler avec une graphiste professionnelle pour donner une identité visuelle à leur magazine et les assister dans la mise en page. Au vu de leurs besoins et de leurs moyens, je leur en ai produit deux devis :
- l’un avec le maquettage complet de la revue par mes soins ;
- l’autre où elles prennent en charge cette tâche.
Elles ont retenu l’option 2. À partir de là, il était temps pour moi de concevoir une création dont elles pourraient s’emparer, en tenant compte de leur modestes compétences en graphisme. La signature du devis et le règlement d’une facture d’acompte tiennent lieu d’engagement entre elles et moi.
1. Faire connaissance
Un projet commence par une rencontre. Objectif : cerner toutes les dimensions de l’identité et la personnalité de mes interlocuteurices.
J’ai une approche de travail qui part de l’intime et du personnel pour aller peu à peu vers le projet. Elle permet :
- aux interviewé·e·s d’accoucher progressivement et naturellement de tout ce qu’illes ont à dire, sans stress;
- et à moi d’obtenir des informations précises, profondes et justes qui m’inspirent généralement bien d’avantage que les discours publics.
Évidemment, je m’appuie aussi sur les discours publics. Les dissonances que je peux repérer me permettent d’éclairer le projet et de porter une attention toute particulière aux sujets sensibles dans les étapes de travail suivantes.
Pour les ourses cette enquête a pris la forme d’entretiens téléphoniques fin août avec 3 d’entre elles. Je leur ai transmis les questions quelques jours avant afin qu’elles aient le temps de laisser infuser et de récolter la matière.
Mes questions :
- Tu veux bien me raconter ta trajectoire féministe ?
- Qu’est-ce qui t’a motivé·e/créer à rejoindre les ourses à plume ?
- Quel est ton projet/objectif personnel à l’intérieur des Ourses à Plume ?
- Qu’est-ce qui différencie les Ourses à Plumes des autres Webzine, magazines féministes selon toi ?
- A ton avis, quelles prochaines étapes pour le développement des Ourses à Plumes ?
- Quels sont les 5 mots les plus adéquats pour présenter les Ourses à Plumes selon toi ?
- Cite-moi (au moins) 5 artistes qui te plaisent (très important !) et qui te semblent correspondre à l’esprit des Ourses à Plumes. ça peut-être des illustrateurices, des chorégraphes, des architectes, des auteurices de BD, des sculpteurices, des peintre·sse·s (voire des écrivain·e·s, mais pas que ! Il me faudrait aussi des artistes qui font des choses visuelles)

2. Vérifier que j’ai bien compris, proposer une vision
J’ai ensuite synthétisé les données tirées des entretiens sous forme de mots-clef. Ceux-ci m’ont permis d’interroger ma mémoire visuelle : la base de donnée d’images que je construit minutieusement sur Evernote depuis 2011, et que je complète avec les références données par mes client·e·s à chaque commande.
L’objectif derrière cette opération : repérer les visuels qui me paraissent correspondre d’une façon ou d’une autre à l’esprit des Ourses. En essayant de comprendre pourquoi je retiens (ou pas) une image dans ce corpus, je construis petit à petit une boîte à outils graphique en phase avec les idées et valeurs du projet. J’assemble et je combine mentalement ces références, et je muris une proposition graphique.
Celle-ci prend la forme de planches tendances. Cet outil présentait aux Ourses une synthèse de mes observations ainsi qu’une hypothèse de travail. Je l’ai soumis au collectif qui m’a fait ses retours lors d’une visioconférence mi septembre.
Ce qui est important dans ce dossier :
- Rappeler ce qu’est une identité graphique : un ensemble de principes graphiques qu’on combine autant de fois qu’on veut pour habiller des supports de communication ;
- Rappeler aussi l’objectif de cette étape de travail : trouver l’intersection entre leurs univers (parce que c’est d’elles qu’il s’agit) et le mien (parce que j’ai besoin d’être à l’aise dans le vocabulaire graphique que je vais déployer) ;
- Expliquer soigneusement les choix graphiques que je propose, et en quoi ils répondent à leurs problématiques pour qu’elles puissent se les approprier… Toute une aventure !
En l’occurrence, j’ai proposé aux Ourses d’axer l’identité visuelle sur 3 éléments :
1. L’esprit fanzine : ces magazines bricolés par des militant·e·s, libres et rebelles, miroir de leur webzine et qui permettrait d’accueillir de manière souple et bienveillante leur pratique amateure du graphisme ;
2. Un colonage très strict, presque austère pour mettre en valeur le sérieux de leur pratique journalistique (elles sont quasiment toutes pros) et la solidité de leur ligne éditoriale (« Participer à la lutte en produisant essentiellement des analyses et des témoignages qui viennent documenter les dominations et faire avancer les réflexions féministes, œuvrer dans une optique pédagogique et sensibilisatrice. ») ;
3. des Ourses dessinées, c’est à dire des femmes, des militantes, qui ne posent jamais mais vaquent au contraire à leurs occupations d’Ourses, sans se soucier du regard des autres.
Les retours des Ourses lors de la visioconférence ont été très positifs. Voici les quelques points de vigilance qu’elles ont exprimés :
« Attention au rose Girly ! Violet et prune oui »
« Attention aux éléments connoté hyper fem : thé, tricot »
« Visuellement, différencier par les marges le dossier. »
« En 2018, 4 000 signes par double page (mais on avait tendance à dépasser) + 1 illustration et un encadré +éventuellement une extension sur le site. Pour l’instant, on n’a pas le nombre de page exact. »
Ces documents permettent donc de finir de verbaliser les envies, et servent de référence visuelle à laquelle on peut se référer en cas de blocages ultérieurs.
3. Prototyper
À ce stade là, je n’ai pas encore commencé à dessiner, il est temps ! Je dégaine Photoshop et je mets en application mes propositions. Voici le dossier qui présente ces recherches.
D’abord, je rappelle les axes retenus : c’est la planche qui résume notre contrat graphique :
Ensuite, je présente les maquettes et j’en explique les points importants :
Puis je précise certains éléments comme le dessin des Ourses ou les choix de couleur et de typographie :
À nouveau, les ourses me font leur retour (par mail cette fois, faute de pouvoir organiser une visioconférence dans des délais assez rapides).
Les retours ont concerné les couleurs qu’un tiers des Ourses trouvaient trop vives, et une inquiétude quant le nombre de signes par article autorisé par la maquette. Elles m’ont aussi demandé de proposer des gabarits alternatifs pour des articles au format un peu différent.
4. Produire
Une fois ces bases validées, j’ai pu d’un côté avancer sur la couverture, et de l’autre sur les gabarits inDesign à leur livrer pour qu’elles puissent maquetter la revue elles-même.
Voici les différentes étapes de travail de la couverture :
Début novembre, j’ai livré les gabarits à Ourse Malléchée, je l’ai formé à leur utilisation et au principes de base d’inDesign.
5. Bouclage
J’ai retrouvé Ourse Malléchée un mois plus tard, le 3 décembre pour l’aider à finaliser les fichiers d’impression. Quelques extraits :
Pour lire la revue, il est encore possible de la commander sur Hello Asso ! 😉
Aller ! Pour finir, voici un aperçu des ourses dessinées pour la revue et du répertoire d’éléments graphiques que je leur ai fourni pour la mise en page :